Analyse jurisprudences

ENSEIGNEMENT


CA dE TOULOUSE, 7 JANVIER 2022, n°19/00927 

 

Un moniteur d’équitation, ci-après M.A, avait proposé ses services auprès d’un gérant d’une écurie, ci-après M.T. Les deux parties avaient souscrit plusieurs conventions de prestation de services, une sur la période du 10 novembre 2012 au 19 septembre 2013, et une nouvelle sur la période du 1er septembre 2016 à décembre 2016.

Le 12 septembre 2017, M.A saisit le Conseil de Prud’homme en demandant de requalifier la relation contractuelle qu’il entretenait avec M.T en contrat de travail, pour la période de décembre 2015 au 23 novembre 2016.

Débouté de sa demande en première instance, M.A interjette appel devant la Cour d’Appel de Toulouse.

Dans cet arrêt du 7 janvier 2022, les juges de la Cour d’Appel de Toulouse font écho à un arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation du 19 décembre 2000 qui établissait les critères qui doivent être appréciés par les juges afin de qualifier une relation contractuelle en contrat de travail. 3 conditions doivent être remplies :

  • L’exécution d’un travail ;
  • Le versement d’une rémunération ;
  • Et l’existence d’un lien de subordination entre les parties.

Or, il faut noter que M.A exerçait son activité sous son statut d’autoentrepreneur 

L’article L. 8221-6-1 du Code du travail définit l’autoentrepreneur comme étant « celui dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur d’ordre ».

En application de cet article, M.A était donc soumis à une présomption simple de non salariat. Cela signifie que le contrat de travail liant M.A et M.T était présumé inexistant, à défaut de preuve contraire.

Il appartenait à M.A de prouver l’existence d’un lien de subordination juridique permanent qui le liait à M.T afin de renverser cette prétention.

Le lien de subordination peut être défini comme un état de dépendance d’une personne à l’égard d’une autre.

Cette notion a initialement été développée par la chambre sociale de la Cour de Cassation dans un arrêt du 13 novembre 1996, définissant ce lien comme étant « caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. »

En l’espèce, la Cour retient qu’il n’existe pas de lien de subordination entre M.A et M.T et donc qu’il n’existe pas de relation contractuelle salariée entre ces deux parties.

Plusieurs éléments sont retenus par les juges afin de motiver cette décision.

En premier lieu, les juges ont retenu qu’aucune dépendance économique n’est caractérisée entre M.A et l’écurie. En effet, M.A se faisait rémunérer directement par ses clients pour les coachings, déplacements en concours ou diverses activités qu’il prenait à charge d’organiser lui-même. De plus, il fixait librement ses tarifs.

En second lieu, l’auto-entrepreneur était libre dans son organisation.

La cour retient qu’aucun horaire ne lui était imposé : il s’était librement rapproché de Madame F, autre prestataire de la structure afin de coordonner leurs plannings et créneaux. M.A avait organisé ses prestations les mercredis et samedis et ajoutait, créait ou annulait ses cours sans l’intervention de Madame F ou de l’écurie. D’ailleurs, le moniteur disposait d’une clientèle propre dans d’autres structures équestres.

Enfin, les magistrats ont considéré que depuis le mois de septembre 2016, M.A assurait la gestion de l’écurie ce qui « implique une autonomie d’organisation et de décision non compatible avec une sujétion ».

Ainsi, la Cour ne peut requalifier la relation contractuelle en contrat de travail sans caractériser un lien de subordination entre les parties.

En raison du statut d’auto-entrepreneur qu’occupait le moniteur, il était autonome économiquement et dans la gestion de son travail. En conséquence, il n’était donc pas placé dans une situation de subordination salariée. 

Il est intéressant de noter que la requalification en relation contractuelle n’est pas sans dangers. Bon nombre de jurisprudences requalifient l’auto-entrepreneur en salarié compte tenu du risque croissant de travail dissimulé dans le domaine équestre, qui peut donner suite à des poursuites pénales.

 

Auteure : Mlle Elodie MANGEZ

 

CA d’ORLEANS, 1er JUILLET 2020, n°16/02675 

Deux ans moins une semaine après avoir acheté une jument pour leur fille mineure, Mr et Mme X, invoquant une pathologie affectant l’animal, introduisent un référé (procédure d’urgence) contre le vendeur pour obtenir la désignation d’un vétérinaire expert et une comme provisionnelle.

Cette décision est intéressante car elle analyse la qualité du vendeur cumulant le statut de gérante d’un centre équestre et monitrice DE.

Les juges évoquent le site internet du vendeur sur lequel il est mentionné que le centre « œuvre pour accueillir chevaux et poneys dans des conditions optimum pour le confort des passionnés d’équitation  », en outre, «  que la gérante vous accompagne dans chacun de vos projets, qu’elle apporte compétence et professionnalisme au service de votre passion ».

Les magistrats considèrent donc qu’elle est intervenue dans son domaine habituel d’activité. Ils reconnaissent que «  les métiers de moniteurs d’équitation et de vendeurs de chevaux sont tout à fait différents, que l’enseignant d’équitation peut ne pas avoir nécessairement la qualité de vendeur professionnel lors de la vente d’un cheval  ».

Mais en l’espèce, le vendeur se présentant comme professionnel sur son site ne peut contester cette qualité. Partant, il sera jugé en application des dispositions du code de la consommation. 

Cette décision est à rapprocher de celle émanant de la Cour d’Appel de Pau du 29.01.2019, n°17/01387 dans laquelle le vendeur, également moniteur d’équitation, était poursuivi par l’acheteur. La Cour a jugé que « le moniteur n’a pas la qualité de commerçant, ne pratique pas habituellement la vente d’équidé, n’est pas inscrit au registre du commerce » et n’est donc pas redevable des exigences prévues par le droit de la consommation. En conséquence, la demande de l’acheteur est rejetée. 

Pour éviter d’éventuelles difficultés, il est ici recommandé de signer un contrat de vente qui exposera les qualités juridiques des parties. 

CA de caen, 14 mai 2019, n°16/02675

Qu’il est agréable de profiter des paysages pastoraux au rythme du pas de son cheval, bercé comme en mer par le clapotis des vagues. Ou encore, ivre de liberté, il est bon de profiter des espaces infinis pour trotter et galoper mêlant ainsi plaisir et entraînement de son équidé. À chacun ses objectifs, à chacun ses envies, mais la prudence et la sécurité doivent demeurer les premières conseillères.

En effet, les ballades équestres conduisent encore trop souvent à des accidents et ce, que les cavaliers soient totalement néophytes ou amateurs.

Lorsque la victime entend obtenir la réparation judiciaire de ses préjudices, il appartiendra finalement au juge de dire et juger s’il s’agit d’un accident, événement dû davantage à la fatalité qu’au fait de l’homme.

Mais pour éviter l’arbitraire, les juges procèdent selon une méthodologie bien établie, fondée sur l’appréciation d’un faisceau d’indices. Ainsi, le juge s’intéresse à des éléments concrets : le parcours choisi, le déroulé de la ballade, les diplômes et l’expérience de l’encadrant, le choix du ou des chevaux, l’adaptation au niveau des cavaliers, le nombre de chevaux, l’information sur les consignes de sécurité…

Ce faisceau d’indices sera nécessairement travaillé par la victime afin d’établir d’une part, le manquement du moniteur à l’obligation de prudence et de diligence et d’autre part, le lien direct entre la faute et le dommage.

En effet, la charge de la preuve incombe par principe au demandeur à l’instance.

Mais bien évidemment, le défendeur se servira aussi de cette grille de lecture pour établir la preuve contraire et écarter sa responsabilité civile.

En ce sens, la décision de la CA de Versailles du 5 mars 2020, n°1807165, à l’occasion de laquelle, la juridiction a procédé selon cette méthodologie pour écarter la responsabilité de la monitrice.

Toujours en ce sens, la cour d’appel d’Aix-en-Provence dans sa décision du 6 juin 2019, n°18/10561, a derechef écarté la responsabilité du moniteur. Elle retient que les circonstances précises de l’accident ne sont pas détaillées dans les attestations produites par la victime, en outre, que l’emballement du cheval camarguais à l’occasion d’une ballade ne peut suffire à établir le manquement à l’obligation de sécurité.

Par ailleurs, le moniteur concluant en défense rapportait la preuve que les douze cavaliers disposaient de chevaux calmes et adaptés, que la présence d’un second moniteur n’était point nécessaire, que les chevaux se sont arrêtés par sa seule intervention, mais aussi, qu’il était régulièrement diplômé.

Enfin, la cour adopte une motivation pour le mois inattendue sur le fait que certains cavaliers ne portaient pas de bombes. Elle retient que d’une part, le défaut de bombe n’induit pas qu’elles n’ont pas été mise à la disposition des cavaliers pour la ballade et que d’autre part, ce défaut de protection serait en lien causal avec la blessure des cervicales subie par la victime.

En sens contraire, mais suivant toujours la même méthodologie, la cour d’appel de Caen dans un arrêt du 14 mai 2019, affaire n°16/02675 a confirmé la condamnation du moniteur qui par défaut de prudence a manqué à son obligation de sécurité.

Il ressortait de l’enquête pénale que le jour de l’accident, le dirigeant d’un centre équestre encadrait douze cavaliers sur une randonnée équestre débutée le matin même.

Sur les éléments factuels, les déclarations des différents participants étaient unanimes sur les points suivants :

– le dirigeant a entamé un dernier galop sur le chemin du retour, d’abord à faible allure, puis, a rythme soutenu sur quelques mètres,

– le chemin choisi débouchait directement sur une route nationale avec impossibilité de changer de direction,

– certains chevaux ont été difficiles à maitriser tout au long de la journée et les cavaliers montraient des signes de fatigue,

– lors du dernier galop, le ralentissement des chevaux de tête mené par le moniteur est resté sans effet sur le groupe de quatre chevaux situé derrière,

– le chemin du retour aux écuries a excité et agité les chevaux, phénomène classiquement observé en extérieur,

– les cavaliers se sont conformés aux instructions du moniteur,

– l’un des cavaliers présent déclare : « On a pas l’habitude d’accélérer dans ce chemin parce qu’il y a la route au bout et le chemin est assez étroit »,

Il en résulte donc que le moniteur n’a pas tenu compte de ces facteurs de risques pourtant évidents, ces derniers étant la cause directe des blessures graves causées à la première victime et du décès de la seconde, toutes deux n’ayant pu arrêter leurs chevaux et ayant percuté un véhicule circulant sur la route nationale.

Afin d’obtenir une indemnisation rapide et complète des différents préjudices, les victimes ont évidemment choisi de mener une action contre l’assurance du véhicule impliqué sur le terrain de la loi Badinter. La question de la faute du moniteur est donc intervenue dans un second temps, dans le cadre de l’action subrogatoire menée par l’assureur du véhicule impliqué et condamné à garantir.

 

CA de VERSAILLES 5 mars 2020, n°1807165

M.X prenait un cours d’attelage en extérieur avec Mme Y enseignante, lorsque le cheval apeuré par l’apparition soudaine de vaches en bordure de route s’est emballé. La calèche dans laquelle se trouvaient M X et Mme Y s’est renversée, ce qui causa des préjudices à M.X.

En réparation, celui-ci obtenu le versement d’une provision à hauteur de 6 000 euros.

Mais le moment venu d’obtenir la liquidation de son entier préjudice, M.X s’est vu débouter de ses demandes pécuniaires et condamner à rembourser la provision obtenue.

En cause d’appel, la cour a rappelé que pèse sur l’enseignant une obligation de moyen, mettant ainsi à la charge de la victime la preuve du/des agissement(s) fautif(s) à l’origine de son préjudice.

En l’espèce, elle s’est prononcée à la faveur de l’enseignante, cette dernière n’ayant point méconnu son obligation de prudence et de diligence.

Elle retient donc que l’élève avait déjà pratiqué l’attelage, qu’il avait dans un premier temps pu s’exercer en carrière avant de partir en extérieur, puis, elle rappelle que la maîtrise du cheval en extérieur est une compétence du Galop 3.

Par ailleurs, la cour juge que le parcours ainsi que l’animal étaient adaptés à l’exercice. Aussi, le seul fait que l’enseignante ne put reprendre le contrôle de l’animal ne permettait pas de caractériser l’incompétence professionnelle de celle-ci, laquelle était titulaire des diplômes nécessaires et d’une solide expérience.

La cour précise enfin que l’emballement du cheval lors de tel exercice était parfaitement prévisible, si bien que l’enseignante ne pouvait se prévaloir d’un cas de force majeure pour s’exonérer de sa responsabilité.

La cour finit par analyser cet argument à la défaveur de la victime. Ce dernier était conscient de l’imprévisibilité de l’animal et avait nécessairement accepté les risques liés à l’activité.

Pour conclure, l’on retiendra qu’en matière d’enseignement, il convient d’analyser un faisceau d’indices pour caractériser le fait fautif. Enfin, qu’il convient toujours de consigner les sommes obtenues à titre provisionnel.

Cet arrêt est à rapprocher de l’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens du 3 mars 2020, n° 19/07251 dans lequel la cour infirme l’ordonnance du juge des référés ayant attribué une indemnisation à titre provisionnel.

La cour retient qu’il existe une contestation sérieuse sur la faute commise par l’organisateur de la promenade ne permettant pas à ce stade de lui imputer avec une vraisemblance suffisante la responsabilité de la chute.